Un film de Robert Benton
Pays d'origine Etats-Unis
Durée 1h48
Sortie en France 29/10/2003

Avec
Nicole Kidman (Faunia Farley)
Anthony Hopkins (Coleman Silk)
Gary Sinise (Nathan Zucherman)
Ed Harris (Lester Farley)

Scénario Nicholas Meyer
Musique Rachel Portman
Production Tom Rosenberg et Gary Lucchesi
Distribution EuropaCorp Distribution, France




 

La Couleur du mensonge
(The Human stain)
 
Sans tache
 

30/10/2003
Il semblait plus que délicat d'adapter le monstrueux roman de Philip Roth, véritable brûlot contre le politiquement correct qui gangrène la société américaine depuis une quinzaine d'années. Le miracle n'a pas eu lieu et le film de Robert Benton n'aboutit qu'à un objet de prestige, un peu compassé et centré sur le couple vedette Hopkins – Kidman.

Mensonge et transgression

La trame pourtant donne le vertige, par sa potentialité fictionnelle et par les multiples ramifications induites sur l'histoire américaine.
Soit Coleman Silk (Anthony Hopkins en roue libre), vénérable doyen d'une petite fac américaine, accusé de racisme par des élèves à la suite d'un quiproquo sémantique. Sa femme meurt de cette campagne calomnieuse et Coleman, qui a démissionné de son poste, décide alors de confier son histoire à un écrivain, qui vit reclus dans son voisinage. Les deux hommes deviennent amis, l'ex-professeur de lettres lui avoue alors sa liaison avec une trentenaire, Faunia (jouée par une Nicole Kidman pas très crédible), femme de ménage paumée, harcelée par son ancien mari, vétéran traumatisé du Vietnam. Cette dernière, à l'existence tourmentée, redonne à Coleman le goût de la vie.
A mi-parcours, le film nous livre alors le ressort majeur de l'intrigue, qui stupéfie et ouvre un incroyable abîme : Coleman n'est pas un blanc. Ses parents, son frère et sa sœur sont bien noirs mais, par un hasard, lui, a la peau blanche. Dès l'âge de 18 ans, il a menti et a coupé totalement les ponts avec sa famille pour fuir sa condition. Il ne veut pas se résoudre à être un brillant élève noir, il désire le meilleur pour lui et lui-seul. Il se fiche des combats à mener au nom de l'égalité des races, il est ivre de sa propre réussite et ne veut aucun obstacle sur sa route. L'Amérique des années 40 vit encore un apartheid terrible, qui ne réserve que peu de choses aux citoyens noirs les plus méritants, Coleman le sait et ne peut s'en satisfaire. Il a donc choisi de trahir et de porter toute sa vie le poids de ce mensonge.

Chic et lisse

Comment alors avoir pu gâcher un tel matériau, métaphore extraordinaire du 20ème siècle américain ? En lissant la forme, en aseptisant le propos et en éliminant certains personnages secondaires mais décisifs.
L'arrière-plan du scandale Lewinsky passe pratiquement inaperçu alors que c'est une clé essentielle. Le parallèle est pourtant capital entre la bataille menée par les conservateurs puritains contre Clinton et la cabale dont est victime Coleman, à la fois pour son prétendu racisme et pour sa relation avec Faunia. Le politiquement correct et la volonté de transparence absolue constituent une infernale machine de guerre, qui détruit l'esprit critique et réécrit l'Histoire. Ses victimes sont diabolisées et humiliées sur la place publique. Coleman est broyé par ce rouleau compresseur, qui se pare de la vertu la plus pure. Le film glisse sur les affres de Coleman et reste à la surface de son drame existentiel. Une croix dans une case, une entrevue douloureuse avec sa mère, et voilà, Coleman Silk devient blanc comme neige pour le restant de ses jours. Un peu court.
Car la grande affaire du film n'est pas là, elle réside dans le couple improbable composé de Hopkins et Kidman, qui phagocyte tout. Les producteurs ont voulu monter un coup marketing en insistant sur leur relation, nombreuses scènes de lit à l'appui. Ces séquences ne dégagent pas la sensualité sulfureuse, que l'on pourrait en attendre. Aucune trace de transgression sociale et culturelle mais juste deux grands pros qui assurent face à la caméra. Cette union de la dernière chance entre le lettré banni et la marginale ne convainc jamais.
On assiste donc, un peu extérieur, à un film très propre sur lui, qui se voudrait prestigieux (adaptation d'un best-seller d'un écrivain consacré, stars au générique) mais qui ne fait qu'effleurer son sujet. Reste une grande histoire, d'une vaste puissance intellectuelle et émotionnelle. De la déflagration du roman ne survivent alors que quelques éclats et quelques bribes, comme un écho lointain.

.::Samuel
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