Un film de Jean-Pierre Melville
Pays d'origine France
Durée 2h15

Avec
Alain Delon (Corey)
Bourvil (Le commissaire Mattéi)
Gian Maria Volonte (Vogel)
Yves Montand (Jansen)
François Périer (Santi)
Paul Crauchet (Le receleur)
Paul Amiot (L'Inspecteur Général)

Scénario Jean-Pierre Melville
Musique Eric Demarsan
Production Jacques Dorfmann et Robert Dorfmann

Le DVD
Zone2




 

Le Cercle rouge
 
Le dernier empereur
 

05/08/2003
« Un faible qui bande pour la force ». Cette singulière définition de l’écrivain José Giovanni à propos de Jean-Pierre Melville ne constitue pas le moindre des intérêts à trouver dans les bonus de la nouvelle édition DVD du mythique « Cercle Rouge ».
Qui est ce faible, qui vit reclus, entouré de ses chats et rempli de mépris pour son époque ? Qui est cet homme, si français mais hanté comme personne par l’Amérique ? Qui est ce metteur en scène qui a laissé une trace indélébile dans l’histoire du cinéma mondial en épurant le polar jusqu’au minéral ? Certains ont glosé, beaucoup l’ont admiré et copié mais aujourd’hui encore, trente ans après sa mort, la fascination demeure intacte.

La somme

Quand débute le tournage du « Cercle rouge » en 1970, Melville trône sur un empire symbolique. Il a inventé un système formel unique, dans lequel tous les plus grands acteurs français rêvent de jouer ou plutôt de se dissoudre. Melville est devenu un dompteur de grands fauves, qui le haïssent autant qu’ils désirent venir manger dans sa main.
Que tourner alors ? Les chefs d’œuvre ont succédé aux chefs d’œuvre dans cette miraculeuse fin des années 60, si loin de l’agitation politique de l’époque. « Le deuxième souffle » est le film ultime sur le Milieu. L’abstraction totale du « Samouraï » révolutionne le genre. Le monument dédié à la Résistance, si douloureux à accoucher, voit enfin le jour grâce à « L’armée des ombres ».
Revenir à ses grands amours du film noir, du film d’hommes semble alors la meilleure solution pour un Melville en quête de synthèse. Ce sera « Le cercle rouge », film-somme s’il en est.

Les hommes entre eux

Le scénario est d’une grande banalité, comme s’il s’agissait de répondre à nouveau à l’éternel défi melvillien : faire exister le film par sa pure mise en scène. Acte démesuré de croyance dans la force du cinéma, « Le cercle rouge » pousse au plus loin la maniaquerie esthétique de Melville. Son assistant sur le tournage, Bernard Stora le confirme dans les bonus, la perplexité régnait quant à l’intérêt de l’intrigue. Nul autre que Melville ne pouvait transcender cette histoire ordinaire de gangsters et de policiers en tragédie dérisoire et métaphysique.
Le tournage fut particulièrement chaotique, rendu particulièrement difficile par un Melville encore plus perfectionniste et odieux que d’habitude. La légende se chargea de narrer par le menu ses relations exécrables avec l’équipe technique mais son rapport aux acteurs ne fut pas plus simple.
Ses liens avec Delon dépassaient le simple cadre du cinéma pour s’ancrer dans un rapport de fascination réciproque. L’acteur avait su gré au metteur en scène de lui fournir pareil écrin et Melville ne pouvait trouver meilleur objet d’incarnation formelle qu’un Delon aussi abyssal. Un court reportage sur le tournage, contenu dans les bonus, nous éclaire sur le respect absolu qui régnait entre les deux. « Pas vraiment une joyeuse bande de copains » comme le rappelle Bernard Stora mais une association quasi-unique dans les annales du cinéma français.
Ventura, lui, fâché à mort avec Melville, refusa de jouer dans le film, Belmondo et Meurisse ne purent tenir leur place comme prévu. Deux grands acteurs, étrangers à l’univers melvillien, furent choisis pour les remplacer. Si Montand avait parfaitement le profil pour s’insérer dans la mythologie du cinéaste, tel n’était pas le cas a priori de Bourvil. Bernard Stora raconte comment Melville a réussi alors l’un de ses plus grands tours de force en transformant le comédien par la grâce de quelques costumes et de conseils avisés. Bourvil, déjà malade, y trouva un de ses meilleurs rôles, d’une puissance et d’une humanité indicibles. François Perrier, déjà vu dans le « Samouraï » et Gian Maria Volonte complétèrent la distribution. La haine de l’italien pour Melville ne du s’éteindre qu’avec la mort du cinéaste tant leurs rapports furent houleux et s’approchèrent du point de non retour.

Le cercle sans fin

Pourquoi « Le cercle rouge » a-t-il inspiré respect et fascination à quantité de cinéphiles et de grands cinéastes du monde entier ? On ne compte plus les metteurs en scène qui ont fait allégeance à ce film et lui doivent une dette considérable. L'explication dépasse le cadre de ces quelques petites lignes et ne peut que renvoyer aux obsessions de chaque spectateur.
Un flic et un gangster dans un wagon couchettes, une fuite éperdue dans les bois, deux prédateurs qui s’observent dans le froid glacial d’un champ désertique, les monstres cachés du placard, quelques chats dans un appartement comme signe illusoire d’une humanité perdue, les toits du Paris nocturne mais partout, la solitude, le silence et la mort comme horizon indépassable. Car les hommes devront se retrouver et le destin s’accomplira. Le cercle se refermera à l’écran avant de s’ouvrir à l’infini dans notre imaginaire.
.::Samuel
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