Un film de Jean-Marie et Arnaud Larrieu
Pays d'origine France
Durée 2h01
Sortie en France 28/05/2003

Avec
Mathieu Amalric (Boris)
Hélène Fillières (Marilyne)
Pierre Pellet (Toni)
Philippe Suner (Jean-Claude)

Scénario Jean-Marie et Arnaud Larrieu
Musique Philippe Katerine
Production Philippe Martin et Géraldine Michelot
Distribution Haut et Court




 

Un homme, un vrai
 
Elle et lui
 

03/06/2003
Dans la lignée de leur remarqué court-métrage, « La brèche de Roland », les frères Larrieu viennent de signer un très singulier premier film. En réalisant la parfaite quadrature du cercle de la bonne comédie sentimentale (divertir tout en lestant le propos d’une certaine gravité existentielle) et en menant des incursions aussi légères que réussies dans le champ de la comédie musicale, ce film des Larrieu représente une très belle surprise dans un paysage français pas trop emballant depuis quelques mois. Ils ont su éviter les tics énervants du jeune cinéma français étiqueté intello, notamment en dosant bien l’artifice et le réalisme. Le film évolue ainsi dans un climat surréaliste et délicieux de fable, tout en décrivant excellemment la trajectoire d’un couple moderne. Les deux acteurs principaux ne sont pas pour rien dans cette réussite, Mathieu Amalric confirmant son génie et Hélène Fillières les belles promesses entrevues précédemment.

La valse à trois temps

L’intrigue se noue ainsi entièrement autour de ce couple, pris à trois moments charnière de sa vie. Soit sa formation, sous nos yeux amusés, au cours d’une improbable soirée où les deux protagonistes tombent amoureux alors qu’ils ne se connaissent que depuis quelques heures puis sa crise cinq ans plus tard lors d’un cauchemardesque voyage espagnol et enfin sa reconstruction dans la splendeur des Pyrénées, cinq années après. Voilà donc dix années captées en trois segments fugaces et profonds.
Le premier temps de la valse pétille comme une bulle de champagne. Il est l’artiste timide et lunaire, elle est l’executive woman stressée. Il lui apporte le supplément d’âme que son existence trop bien réglée de cadre sup. lui interdit. Elle rayonne de toute sa beauté et son mystère. Il s’ennuie dans sa vie de cinéaste fauché, elle étouffe face à ses prévisibles collègues et amis. Bref, le coup de foudre est fulgurant et se vit forcément en chanson. D’autant plus que c’est le subtil pince sans rire Philippe Katerine qui met en musique le film.
La première ellipse est terrible puisque l’on retrouve nos deux tourtereaux, parents de deux magnifiques enfants, en proie à l’inéluctable crise conjugale. Elle ne survient pas au bout de sept ans mais de cinq. Peu importe, l’indifférence et l’agacement s’installent dans ce couple, qui ploie sous son déséquilibre. Il cherche vainement à concrétiser ses projets artistiques tandis qu’elle ne cesse de s’affirmer dans son entreprise. La tentation de la fuite, ultime recours pour ces deux adolescents attardés, se fait grande de chaque côté et culmine dans une fabuleuse séquence. Qui quittera le navire le premier ? Epineuse question mais plus rien n’est simple car le couple a procrée.
Le second saut dans le temps nous transporte alors dans le massif pyrénéen, majestueux espace dans lequel tous les retours sur soi et toutes les retrouvailles semblent possibles. Ils ne se sont plus vus depuis cinq longues années et ont refait leur vie mais ils n’ont jamais cessé de penser l’un à l’autre. Peut-on alors renouer les fils de son existence ? Le dialogue a-t-il seulement des chances de se recréer ? Comment revoir dans l’Autre la figure jadis tant aimée ?

Un film, un vrai

On ne dévoilera rien bien sûr de l’émouvante fin du film. Cette troisième partie est d’ailleurs la plus réussie, tant par l’ampleur du décor naturel que par le flux des sentiments qui s’y déverse. On quitte les rivages balisés de la comédie légère pour un poignant face à face. Mais heureusement, pas de pathos dans cet épilogue, qui risquerait d’alourdir un ton jusqu’ici parfait de maîtrise et de drôlerie.
« Un homme un vrai » dégage donc pendant ces deux heures, un charmant parfum, enivrant et sensible, qui puise dans le meilleur du cinéma français. On peut par exemple penser à la série des Doinel, pour l’interprétation en perpétuel décalage de Mathieu Amalric (le seul héritier crédible de Jean-Pierre Léaud) et pour ce plaisir de retrouver ces personnages à différents moments de leurs tourments sentimentaux. L’ellipse est ici utilisée avec justesse et brio, l’imaginaire du spectateur étant invité à inventer son propre récit des deux béances de cinq ans.
Ce film rare est donc à voir de toute urgence, pour ne pas risquer de se priver d’un vrai bonheur de cinéma.

.::Samuel
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