2 Hitler dans la ville

L'introduction est brillante, nous plonge avec délice dans le rire qui va nous écorcher les tripes et régaler notre esprit pendant presque 2 heures, et nous rappelle que les films muets ne sont pas si loin que ça…

1939… Que faisait donc Hitler à l'angle de cette rue de Varsovie, devant la vitrine de ce charcutier effaré ?

Lubitsch joue avec nous et use des faux semblants avec la précision d'un lanceur de couteaux. Le faux-semblant est une des armes (boomerang) du théâtre, et justement nous ne tarderons pas à être plongés dans cet univers venimeux…
Dans un théâtre de Varsovie se prépare en effet une pièce satirique sur le nazisme, avec en vedette 2 stars nationales, Joseph et Maria Tura, qui se voit censurée le jour de la première pour raisons "diplomatiques".
Mais Hitler pour sa part ne s'embarrasse pas de sentiments et envahit la Pologne quelques jours plus tard…

Tourné en 1942, To be or not to be fut jugé à l'époque d'une trop belle audace par beaucoup et témoigne pourtant d'une lucidité étonnante sur le nazisme…

Chef d'œuvre, démonstration…

Comique de situation, de répétition, vision critique de ses personnages, retournements de situation, Lubitsch érige le rire (souvent tranchant) au rang de devoir du spectateur qui n'est que trop heureux de s'y (et se) plier.

Non, vous ne verrez plus jamais Hamlet de la même manière, non la fameuse tirade "To be or not to be" ne tintera jamais plus à vos oreilles sans hisser jusqu'à elles un sourire absolu, et peut-être même, pour ce qui ont le privilège de découvrir un chef d'œuvre pour la première fois, vous ne verrez plus le cinéma avec les mêmes yeux.

C'est un mélange de gravité et d'humour excessif et critique, un scénario riche et bien construit, presque jusqu'au pied de nez, un final jubilatoire, une interprétation divine et harmonieuse, un puits à superlatifs pour les spectateurs ébahis.

Relations de causes à effets

Le balai des personnages est truffé de caractères savoureux ("When you poison us, do we not die ?") autant parmi les acteurs que les nazis, et ce corps d'individualités remarquables excelle de ce fait dans ce film rare.

Un comédien mégalomane, une belle actrice volage, un pilote séduisant, To be or not to be va bien au delà du triangle amoureux classique, et quand il s'en approche, c'est pour mieux nous faire rire avec des dialogues hilarants et des répliques cinglantes.

Ce qui est le plus remarquable, c'est l'enchaînement de multiples situations improbables qui reflètent pourtant (en la déformant, certes) une réalité bien présente.
Comment un pilote polonais découvre un espion au solde des nazis, comment une actrice se retrouve au cœur d'un stratagème visant à récupérer des documents vitaux, comment un mari jaloux endosse le premier rôle…

Joseph Tura, le cœur d'une affaire avec laquelle il n'avait rien, à faire !
Joseph Tura, c'est le personnage le plus drôle (à son insu), donc le plus ridicule, et le plus attachant de ce film.

"To be, or not to be"… début célèbre d'une tirade shakespearienne, message codé drôlissime, Chef d'œuvre d'un grand maître du cinéma, enfin.

"To be or not to be"… (moment d'émotion, sourire comblé)