Un film de Jacques Nolot
Pays d'origine France
Durée 1h30
Sortie en France 2002
Sortie Mondiale
20/11/2002

Avec
Jacques Nolot (Le cinquantenaire)
Vittoria Scognamiglio (La caissière)
Sébastien Viala (Le projectioniste)

Scénario Jacques Nolot




 

La chatte à deux têtes
 
Inattendue et originale, une observation surprenante mais réaliste
 

10/02/2003
Triangulaire

Dans une salle de cinéma porno hétéro, le spectateur est invité à suivre la journée de la caissière, ainsi que les allées et venues des clients. Arrêtons nous un peu sur la caissière puisqu'elle est le prétexte scénaristique du film ! En fait le film raconte l'histoire d'une relation triangulaire entre elle, quinquagénaire, immigrée italienne, un client, la cinquantaine grisonnante également, et le jeune projectionniste provincial. La caissière cherche à se rapprocher du client, qui voudrait bien coucher avec le projectionniste, qui est amoureux de la caissière. Tout le long du film cette relation est développée; la solution est toute trouvée : le couple à trois (un trouple ?).


Observation, participante ?

L'autre versant du film, le plus intéressant, est le travail d'observation qui est opéré dans la salle elle-même. L'observation est-elle participante ? Chacun est libre de ses fantasmes. Toujours est-il que la caméra est comme le sociologue : toujours à l'affût des détails, des anecdotes révélatrices et des petites habitudes de chacun. Par exemple, tous les habitués (ils le sont tous ou presque) ont prévu un briquet pour éclairer et inspecter la propreté de leur fauteuil avant de s'y asseoir. En effet, tout le monde arrive en cours de film : le caractère particulier des œuvres diffusées fait qu'il n'y a pas de séances et que les films s'enchaînent sans pause.
Le placement des spectateurs est aussi significatif : on voit très clairement les gens se distancier les uns des autres prendre de la distance pour ne pas se gêner et en fait, ne surtout pas se voir. En tout cas ceci concerne les clients qui se disent et se pensent « normaux », ce qui crée d'emblée une deuxième catégorie de clients : les travestis.


Le ballet des travestis

De la caisse, donnant sur la rue, on voit les travestis peuplant le cinéma aller et venir, exposer leurs états d'âmes et se vanter du nombre de fellations pratiquées dans l'après-midi — activité d'ailleurs pratiquée à un rythme quasiment industriel et dont j'ai du mal à comprendre la motivation ( A-t-on envie de sexe au point de sucer des verges par dizaines pendant seulement quelques heures ? par concours ? « et toi combien en as-tu sucé aujourd'hui ? - Dix, mais des grosses » sic ).
Dans la salle, on les voit s'afficher dans les allées, se montrer en passant devant le premier rang, ou bien même accoster directement dans les rang les spectateurs. Cela donne lieu à des situations cocasses comme ce travesti chantant avec son éventail telle la Castafiore pour attirer les regards.


Hétérosexualité ?

Le cinéma observé est un cinéma hétérosexuel. Et, il est intéressant de voir à quel point, si le cinéma est hétéro à l'écran, il est gay dans la salle. En effet, les clients non travestis sont soit hétéro, soit homo - jusque là tout est normal, sauf que nous sommes dans un cinéma hétéro. Ensuite, la sexualité ne se limite pas ici à un rapport à l'écran, ou à ses mains : de nombreux rapports sont filmés, et vu qu'il n'y a pas de femme dans le cinéma?
Jacques Nolot, le réalisateur, met l'accent sur les rapports entre les prétendus hétérosexuels et les travestis. Ceux-ci sont centraux dans le film et les nombreuses séquences de fellation montrent l'hypocrisie de ces hommes venant dans ce cinéma se rassurer dans leur hétérosexualité tout en se faisant sucer par des hommes. Leur attitude est d'ailleurs particulièrement révélatrice. Ils sont le plus souvent dans leur fauteuil assis à regarder le film quand un travesti vient se mettre à leur côté. Si c'est le bon moment ils mettent leur bras sur le siège voisin, dans le dos du travesti, laissant à ce dernier le champ libre pour opérer ; sans y porter attention ni le moindre regard. Ils continuent, en bon straight, à regarder le film pour se convaincre que c'est bien le film - et non le travail de leur voisin qui les excite et les fait jouir.

En dehors de ces deux aspects : l'histoire - prétexte d'une part, et cette observation d'autre part, les trois personnages sont décrits de manière très détaillées à travers leurs récits, leur poésie, et s'il serait impossible de tout résumer, cet aspect n'est pas à négliger. Que dire de plus à part peut-être se réjouir que ce film n'ait pas été classé X, car, en effet, les scènes de sexe sont explicites, et rappeler qu'agit réellement d'un film d'art et non d'un film pornographique ? (désolé Dan !) Si, résumer par un avis positif et un regret : que ce film soit si peu diffusé.

.::Martin
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