Un film de Wim Wenders
Pays d'origine All — Fra
Durée 2h07
Sortie Mondiale
1987

Avec
Bruno Ganz (Damiel)
Otto Sander (Cassiel)
Solveig Dommartin (Marion)
Peter Falk (lui-même ^^)
Curt Bois (Homer)

Scénario Peter handke, Wim Wenders
Musique Jürgen Knieper

Sur le Web
À voir :
Texte intéressant, et complémentaire




 

Les ailes du désir
(Der Himmel über Berlin)
 
Un ange passe
 

09/12/2002
Deux personnages, en premier lieu, deux anges au milieu de Berlin, qui existent hors de l'espace et du temps. Ils sont présents mais ne sont pas perçus ; ils écoutent les hommes et les femmes, leurs pensées, suivent leurs faits et gestes, leurs soucis, et s'efforcent de les aider à surmonter leurs peines. Ce sont des êtres spirituels. Ils n'ont pas de corps visible, ils n'ont pas de sensations hormis la compassion. Damiel et Cassiel sont les témoins immortels du monde, de son Histoire, de l'humanité, mais n'en font pas partie. C'est cette contradiction forte qui pousse Damiel à s'interroger sur sa condition d'ange ; à force de s'occuper des humains, il veut en faire partie.

Une citation (tirée du site http://perso.club-internet.fr/pserve/ailes.html), est particulièrement parlante : « Merveille de vivre en esprit et d'attester pour l'éternité le spirituel, rien que le spirituel chez les gens. Mais parfois, je suis las de mon existence d'esprit (...). Je ne demande pas d'engendrer un enfant, d eplanter un arbre, mais ce serait quelque chose, rentrant d'une longue journée, de nourrir le chat comme Philip Marlowe, d'avoir la fièvre, les doigts noircis par le journal, de ne plus être exalté par l'esprit, mais par un repas, par la courbe d'une nuque, par une oreille...» (DAMIEL à CASSIEL).

L'histoire d'un passage

Deux rencontres, ensuite. Elles précipitent Damiel dans ses réflexions et le font basculer. Celle de Peter Falk, jouant son propre rôle. L'acteur est à Berlin à l'occasion du tournage d'un film sur la seconde guerre mondiale. Il a la faculté étonnante de percevoir la présence de Damiel ; Je ne vous vois pas, mais je sais que vous êtes là, lui dit-il. S'en suit une improbable conversation, sans réponse, conclue par une poignée de main, même si ni l'un ni l'autre ne se sentent.
Puis vient la rencontre de Marion, une trapéziste française, dans un cirque en faillite. Habillée en ange, elle vole et voltige au dessus de son public, tout en se posant des questions existentielles. Elle est mue par une profonde solitude; c'est en l'écoutant que commence à s'attacher Damiel — la beauté et la grâce de l'artiste y est peut-être aussi pour quelque-chose !

Après une répétition de son numéro, Marion, costumée de ses ailes en plumes de poulet, passe devant ses camarades de troupe ; Damiel la suit, invisible, bien sur. L'un deux lance sur le ton de la plaisanterie «Un ange passe ! ». Seul Damiel se retourne, croyant que l'on l'avait vu. Cette scène, bâtie sur un jeu de mot, est bien plus qu'anecdotique. Un ange passe, voilà un parfait résumé du film. Damiel passe de l'ange à l'humain, Peter Falk constituant le passeur, et Marion l'élément déclencheur. Marion, quant à elle, voit sa vie changée par sa rencontre de Damiel devenant « sérieuse ». Ce mot, qui caractérise le devenir, porte le changement donne tout son sens à l'existence errante de Marion.

Mise en scène de poème ou poème mis en scène ?

L'histoire de Damiel et Marion est particulièrement bien mise en scène. Les plans sont tous très beaux, et la caméra traduit les mouvements d'une manière magnifique. Mais ce qui m'a le plus ému est la poésie que le film dégage, tout autant que celle sur laquelle est bâti le film. Le poème de Peter Handke, « Lied vom Kindsein », particulièrement beau, sur l'enfance. Il renforce le statut particulier qu'ont les enfants dans le film (ils sont les seuls humains à pouvoir voir les anges), ainsi que la thématique du passage : la phrase « Lorsque l'enfant était enfant … » appelle implicitement à un maintenant.
La poésie qui se dégage du film est aussi très forte. Le message porte sur la sensualité — au sens littéral : Damiel découvre les couleurs, le goût, l'amour, le froid, le chaud, le fait d'aller bien ou mal, mais aussi sur les détails concrets et matériels qui font qu'une vie d'humain est une vie, un cycle, et non une éternité spirituelle de compassion.

Les ailes du désir est donc un film qui m'a particulièrement ému par sa beauté et sa poésie, son histoire et ses mots qui ont su me toucher. Ces critères sont bien sur particulièrement subjectifs, mais je ne pense pas que l'on puisse objectivement aimer ce film. Que dire de plus, sinon que la musique et la bande son est somptueuse, et que les voix (du poème, des personnages) m'ont fait redécouvrir la langue allemande, brisant ainsi les clichés sur les sonorités soit-disant gutturales qu'on lui attribue.

.::Martin
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