L’Ours d’Or à Berlin (2005) c’est souvent un bon repère, mais là c’est encore plus que cela. Il faut aller voir ce film car il s’agit de quelque chose de résolument nouveau et décapant. Imaginez l’opéra de Bizet (basé sur le roman de Mérimée) Carmen transposé dans un township (bidonville) d’Afrique du Sud, avec un livret quasiment identique mais en langue Xhosa, et légèrement adapté à cet environnement.
Bluffant
Les comédiens sont des membres d’une troupe locale de chanteurs lyriques qui a été créée par le metteur en scène, Mark Dornford-May, et qui interprètent donc vraiment l’œuvre. Le niveau des chanteuses et chanteurs est d’ailleurs tout à fait bluffant, et le texte est complètement transcendé par la traduction, à laquelle s’ajoutent les spécificités sonores de la langue. En effet il s’agit d’une langue africaine qui intègre ces petits claquements de langue caractéristiques (comme les Bushmen du Kalahari pour ceux qui se souviennent du film « Les Dieux sont tombés sur la tête »), je ne vous dis pas l’effet dans le chant !!
Un vrai opéra
Ainsi il s’agit vraiment de l’opéra qui se déroule dans un township, avec Carmen en fière et indépendante femme aux activités louches, qui tente de charmer un simple sergent de police. Machisme, jalousie, trahison amoureuse, devoir familial, funeste destin, tous les épisodes bien connus sont là (dont le célébrissime « Prends garde à toi ! »). La femme qui joue Carmen (Pauline Malefane) est particulièrement talentueuse, et j’ai aussi beaucoup aimé son registre de comédienne, notamment l’intensité de ses multiples regards. La transposition à l’Afrique du Sud est aussi remarquable, tant dans le scénario qui s’applique bien là, mais aussi dans le mélange des genres. A certains moments, la musique de Bizet et les chants se mélanges aux chants traditionnels ou aux oraisons rituelles, et le résultat est fascinant.
Alors évidemment il vaut mieux connaître et aimer l’opéra pour apprécier le film à sa juste valeur, et la performance globale de l’auteur. D’autant plus que les deux heures du film peuvent en décourager certains (quelques démissions dans la salle…), et pourtant je ne comprends pas comment on peut décrocher à une œuvre pareille. Ah non vraiment, il faut aller saluer ce travail en allant le voir au cinéma !
.::Matoo |