 | |
Le film se déroule au Japon, après la deuxième guerre mondiale, dans un contexte de grave crise sociale et politique. La contestation politique est forte et le gouvernement qui vire peu à peu au fascisme y répond violement. Les groupes contestataires sont interdits et le plus puissant d'entre eux, la Secte, se terre dans la clandestinité et la lutte armée.
La répression est organisée en deux institutions : la police et l'unité Panzer. Cette dernière est une unité d'élite, disposant d'un armement dernier cri (armures lourdes mécanisées pour faciliter les mouvements, mitrailleuses lourdes, casque à vision nocturne, masque à gaz), dont les hommes sont entraînés à être infaillibles.
Fusé est membre des panzers et, lors d'une mission, se retrouve nez à nez avec une jeune fille de la secte chargée de convoyer une bombe dans un cartable. Devant le visage angélique de la gamine, Fusé ne peut se résoudre à tirer bien qu'il en a le devoir. La fillette terrorisée amorce la bombe et meurt sur le champ. Protégé par son armure, Fusé n'est pas blessé par la déflagration.
Très atteint par cet épisode Fusé rencontre la sœur de la fillette. Ils font connaissance et échangent un peu. En toute pudeur cependant, une relation forte mais difficilement définissable s'instaure. Entre amour et amitié, leur duo a tout de même quelque chose d'étrange : à l'image du monde qui les entoure, les sentiments ne sont surtout pas exprimés et les contacts rares ; l'humanité est loin, très loin, enfouie très profondément.
À cela se superpose une lutte institutionnelle. La police, qui veut étendre ses compétences, cherche à se débarrasser des unités panzers et tente d'utiliser le couple pour les discréditer. Toutefois une rumeur de d'autodéfense apparaît chez les Panzers ; on parle beaucoup de la brigade des loups sans trop savoir ce qu'elle est. Existe-t-elle ?
" L'homme est un loup pour l'homme " a été déclaré par le réalisateur pour éclairer ce film. L'homme est un loup, c'est évident. Sans parler de la comparaison omniprésente aux loups, que ce soit dans la Secte qui n'hésite pas à employer des enfants pour ses basses besognes et qui ne prend aucun soin de ses propres membres, ou au sein des panzers où les êtres humains qui supportent les armures semblent plus à des machines qu'à autre chose, l'humanité est complètement terrée, voire inexistante. Il existe des groupes ; ces groupes sont en conflit pour dominer les autres, les individus ne sont plus rationnels en valeurs mais en finalité et n'ont d'ailleurs plus aucune valeur. C'est la désagrégation totale de la société ; celle-ci passe par une déshumanisation des individus. Le parallèle est fort.
Le duo entre Fusé et la sœur semble porter une once d'espoir, mais celui-ci est vite déçu et la jeune femme devient une carte à jouer pour les chefs des panzers.
Petite digression à propos du mot " Panzer ". Il est frappant de voir combien les références à l'Allemagne et au nazisme sont nombreuses. Le mot " Panzer " évidemment, le compte " le petit chaperon rouge " dont on voit une page, rédigée en allemand et en gothique, les uniformes des Panzers même suggèrent un ordre mondial ou les nazis auraient triomphé. On peut aisément imaginer une occupation telle que la France l'a subie, avec collaborationisme. La culture dominante (au sens de Bourdieu) y serait la culture allemande. Si tôt cela dit, le manteau rouge des " petits chaperons rouges " renvoie tout de suite aux francs-tireurs et partisans… Mais laissons là ces spéculations peut-être hasardeuses.
Jin Roh est donc un film d'animation tout à fait mémorable qui porte une réflexion sur l'homme et nos sociétés modernes où en effet la rationalité en finalité supplante largement la rationalité en valeur. La caricature est sévère mais non dénuée d'intérêt. Sachons tout de même nous remonter le moral (oui je cherche à me convaincre !) ; il nous reste l'amour, l'amitié, les blanches colombes qui volent en couples amoureux dans le ciel azur de nos forêts enneigées et puis là, sous nos yeux, dans la neige, sous les arbres et leur blanc manteau, " une scène de viol collectif " (private joke…).
.::Martin |