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Engrenage
Franck vit une existence morne de représentant de commerce. Son 3-pièces sordide, sa femme dépressive, sont autant de raisons à son insatisfaction et à la grisaille de ses journées.
Au cours d'une de ses tentatives de vente à domicile, il rencontre la jeune et attirante Mona que sa vieille tante avare contraint à se prostituer.
La tante cache un pactole sous son toit…
Temporel et intemporel
Série Noire est un film noir dans la grande tradition américaine. Grand amateur du polar-noir, Corneau a choisi d'adapter un roman de Jim Thompson (traduit dans la fameuse Série Noire) à la France de la fin des années 70.
Le résultat est saisissant, profondément ancré dans la réalité de l'époque, et en même temps purement intemporel. Ce trait d'ailleurs se retrouve dans la musique, entre la radio terriblement seventies, dramatique (Bécaux, Claude François…) et la bande son à proprement parler, faussement légère (Duke Ellington).
Corneau touche à ce que nous avons de plus universel, et cela est propre au genre qu'il exploite. "Moi, je ne fais pas de la psychanalyse" dit Pouppard (Dewaere) dans le film.
Se fait-il porte-parole de Corneau qui affirmait : "Qui dit noir-polar dit d'abord : radiographie sociale, rapports de force, et non pas analyse psychologique et sentimentale (du genre de celles qui se démodent tous les 5 ans). […] Noir-polar c'est aussi le gouffre1." ?
On aurait du mal à en douter.
Jusqu'ici tout va bien
Mais le contexte est favorable au "gouffre". On sent Franck sur la corde raide, prêt à basculer d'un moment à l'autre, définitivement.
Franck Poupart, "Poupée pour les intimes", c'est l'acteur français le plus doué de sa génération, le charisme incarné, Patrick Dewaere, nommé aux Césars pour son interprétation magnétique, César qui lui sera soufflé par Claude Brasseur (dans La Guerre des Polices).
C'est Georges Pérec qui signe les dialogues de Série Noire (et co-écrit le scénario avec Corneau). Dewaere leur donne vie en virtuose.
L'acteur donne une humanité troublante au personnage, de par ses monologues, ses accès de violence, ses hésitations entre bonnes et mauvaises actions, ses scrupules, ses doutes, sa déraison et sa façon de glisser inexorablement vers elle dans un processus meurtrier et tragique.
Corneau est parfaitement fidèle à sa conception du film noir.
Un bijou.
1 Alain Corneau, dans la préface de l'ouvrage Le Film Noir Américain.
.::Sophie |